Rituel d'Occlumancie - partie 5
Niallàn ne savait pas comment elle devait s'y prendre. Cette épreuve là n'avait rien à voir avec la première. Ses émotions, elle les connaissait. Elle savait comment elle fonctionnait. Des listes, des casiers. De l'ordre et de la discipline. De la logique et de la réflexion. Elle avait toujours été comme ça. Toute petite déjà. Ça n'avait rien de compliqué de se comprendre. Ce qui avait été dur en revanche, c'était de cesser de penser, et d'oublier tout ce qui avait toujours eu sa place en elle. Des souvenirs de ses premiers pas aux derniers. Deryn et son refuge. Le QG. La lettre à ses parents. Cadfael. Le visage de Cadfael, ses traits, ses refuges. Elle savait qu'il était parti. Lorsqu'elle l'avait abandonné, peu après que Deryn ait cessé de se cacher, elle savait qu'il partirait. C'était l'idée. Pour échapper aux interrogatoires qui suivraient (et qui avaient bel et bien suivi), elle ne devait plus avoir de lien avec lui. Il n'avait plus de polynectar, aussi il ne pouvait pas ressembler aux dernière images du Cadfael qu'elle avait vu. Mais si les mangemorts fouillaient les derniers endroit où il avait vécu, s'ils découvraient des choses... Il était traqué, elle l'avait aidé à fuir. Et elle ? Si on s'introduisait dans son esprit, elle aurait des ennuis aussi. Et puis il y avait Logan, les entrainements, ses alliés... Trop de choses qu'elle devait garder pour elle. Oublier tout ça, l'espace d'une seconde ou deux, ça n'était pas dur. Elle ne protégeait pas son esprit, mais elle n'y pensait plus, aussi elle n'avait rien de suspicieux pour un non legilimens. Elle mentait plus aisément. Maintenant, il fallait avancer, encore. Ne jamais se relâcher, ne faire aucune pause. Elle devait progresser, toujours un peu plus. Logan le lui avait montré. Il lui avait expliqué ça de la meilleure des façons, il était entré en elle. Il lui avait montré que ce qu'elle n'avait, bien qu'un bon début, ne suffisait pas. Qu'elle ne devait pas laisser ses pensées s'envoler, mais au contraire les emprisonner. La façon dont elle s'y prenait, bien qu'efficace, était mauvaise. Cependant, elle lui servirait à évoluer. Elle trouverait sa forteresse et alors elle pourrait finir son apprentissage. Elle pouvait parfaitement continuer comme ça. Mais ça n'était pas grand chose face à lui. Face à un légilimens. Et aujourd'hui, il le savait, elle avait peur d'y être confrontée. Elle avait trop de choses à protéger. Trop de choses qu'il lui avait déjà volé, lui. Mais Logan était un ami. Il était un refuge, un rempart. Il était ce qui vous empêchait de vous perdre à travailler comme un forcené sur ce qui était au plus profond de votre esprit. Parce que l'on risquait gros, Niallàn le savait. Mais son mentor était toujours là, pour la soutenir et lui permettre d'aller encore plus loin. Même si ses manières n'étaient pas toujours douces, il était un excellent professeur. Le souvenir de son intrusion avait été, quelque temps, une motivation qui semblait sans limites. Elle pouvait tout faire, pour éviter que ce genre de choses se reproduisent. Les sensations qu'il lui avait imposé, les choses, les sentiments et les souvenirs qu'il lui avait volé, les pensées qu'il avait violé. Si elle ne savait pas qu'il y était allé en douceur, si tant est que la douceur soit possible en légilimancie, elle aurait dit qu'il était entré, avait tout ravagé, pillé, brûlé et était reparti en laissant derrière lui un amoncellement de ruines. Comme n'importe quel soudard tue les hommes, viole les femmes et les brule, pour finir. C'était barbare. Pauvre Deryn, qui avait du passer par là. Pauvre Deryn qui, même en prenant d'innombrables précautions, devait infliger cela à ceux qu'elle voulait aider. Niallàn se souvenait de l'expression de Logan, avant et après. Elle se souvenait de sa propre précipitation, quand elle avait tenté de faire fuir tout ce qui pouvait se trouver dans son esprit. Elle aurait presque imploré ses pensées de s'envoler le plus loin possible, comme si elle pouvait les pousser. Les sauver avant tout. Et elle avait compris le problème. Elle ne devait pas les laisser sans protection, pas les laisser seule. Cette découverte avait engendré des remords, de la culpabilité. Elle ne cessait d'abandonner les gens. Cadfael, qu'elle n'avait pas prévenu de ses absences. Dilwen, à qui elle imposait sans rien dire. Deryn, qu'elle avait laissée seule, dans son cabanon gallois. Et ses parents, à qui elle avait ordonné de repartir. De quitter Rennes, d'éviter la magie. Il y avait l'Ordre, à qui elle en voulait et qu'elle ne voulait que laisser de côté. Il y avait trop de choses. Elle avait voulu être forte, et elle fuyait. Logan voyait tout ça. Toutes les images que ses réflexions tiraient à la surface, lui exposant comme on pousse un homme sur l'échafaud. C'était écœurant. Il avait vu d'autres choses aussi. Ce qui comptait le plus en fait. Ce qu'elle avait voulu protéger. Il l'avait dépouillée à lui en coller la nausée. Il l'avait vu se noyer dans les marécages, quand elle jouait avec Mervin. L'avait vu trempée, grelotante, terrorisée. Il l'avait vue hurler sous des pluies diluviennes, éclater en sanglots pour une boule de neige. Dans les bras de Deryn. Dans les bras de Josh, sous son parapluie. Implorante et autoritaire. Il l'avait vue faible. Immonde. Et elle avait peiné à s'en remettre. Il avait cessé son attaque en sentant qu'elle ne le ferait pas, impuissante et désespérée. Il l'avait abandonnée sur les rives du marais, dans les bras de Mervin. Elle avait étouffé, suffoqué à s'en irriter la gorge. Les premières secondes, elle avait juste avalé l'air sans s'arrêter. Elle avait respiré si fort qu'elle avait été prise de hoquets. Les yeux écarquillés, terrorisée, fixant un Logan immobile. Il ne devait pas bouger, surtout pas. Il devait rester en face d'elle, devant ses yeux. S'il disparaissait, elle en deviendrait folle. Elle était déjà folle. Et elle crevait de douleur. Il tendit la main et son élève fondit en larmes. De l'eau, encore. Des rivières qui coulaient sur ses joues, brûlantes et salées. Elle l'avait laissé la prendre dans ses bras, ne lui permettant aucune résistance. Pour ce qu'elle en était capable de toute façon... Il lui avait caressé les cheveux et l'avait laissé pleurer tout son soûl, jusqu'à ce qu'elle s'endorme. Quand elle s'était réveillée le lendemain, elle était seule et dans la chambre de l'appartement d'études. Elle était gelée malgré les couvertures. Mais elle allait mieux. Elle s'était redressée et s'était assise en tailleur, arrachant la couverture au lit pour s'enrouler dedans. Elle avait fermé les yeux et s'était affaissée, encore épuisée. Elle avait essayé de revoir ce qui s'était passé tout en restant détachée, mais n'avait pas vu. Logan était arrivé une heure plus tard. Elle était toujours sur le lit, mais bien droite, les yeux fermés. Quand il était entré dans la chambre, elle lui avait sourit. « Je vais faire une liste. C'est idiot, mais ça me donnera des idées. » Il s'était contenté de hocher la tête et de l'inviter à prendre son petit déjeuner. Il l'avait regardée manger, sans un mot. Puis il l'avait laissé partir, et elle avait vraiment commencé à songer à sa forteresse. Son refuge. Elle avait griffonné sans relâche, oubliant même les cours, par moment. L'affaire de quelques jours. Les derniers jours de février s'annonçaient, et l'étudiante profitait du froid et de l'humidité pour chercher sa forteresse, bien à l'abri dans la chambre qu'elle partageait avec Deryn. Elle délaissait les soins magiques, qu'elle avait pris pour être avec Deryn. Mais l'absence du professeur Vawdrey rendait le cours étrange, et elle avait décidé d'occuper son temps a quelque chose de plus important. Elle n'avait jamais été proche de l'enseignant de Soins Magiques, et sa réputation le précédent, avait même préféré se tenir à une distance raisonnable de l'homme. Mais le nouvel an avait changé beaucoup de choses. Elle l'avait vu différemment, et avait même choisi de l'accompagner à l'UMA, quand il avait voulu y récupérer ses affaires. Elle avait aussi eu à y faire, et le laisser seul n'aurait pas été prudent. Elle ne servait à rien à tourner en rond comme un lion en cage, de toute façon. Quoiqu'il en soit, elle ne se voyait pas assister à ces cours maintenant que Deryn pouvait le faire, et si elle mettait un point d'honneur à accompagner sa soeur à l'entrée de la salle et à revenir la chercher ensuite, elle passait ces heures gagnées à travailler sur sa forteresse. Elle avait commencé comme toujours, avec discipline. Elle avait lu plusieurs chapitres concernant cette étape dans différents livres, jugeant que celui de Bastien Enaides, qu'elle avait de nouveau pris l'habitude de laisser au QG, ne suffisait pas. Elle devait avoir plusieurs explications, et faire ça avec sérieux. Elle avait donc commencé à lister tout ce qui pourrait lui servir de protection. Tout ce qui lui venait à l'esprit, tout ce qui lui évoquait le confort et l'absence de danger, ce qui était familier ou simplement ce qui était plausible. Ainsi, elle eut un parchemin entier recouvert d'idées. Un mur. Un donjon. Une forêt. La terre. Chaque fois que ses tentatives échouaient, qu'elle se perdait en tentant d'élever ses barrières, elle rayait un mot. Elle avait pris l'habitude de le faire soit à l'UMA, puisqu'elle y passait beaucoup de temps, soit dans l'appartement de Logan. Pour la sécurité et le confort. Et parce que voir son mentor était devenu une habitude dont elle n'avait pas vraiment envie de se passer.
Rituel d'Occlumancie - partie 4
L'étudiante observa l'homme qui se tenait en face d'elle, adossé au mur pendant qu'il lisait le parchemin de Deryn, sans un mot. Sa concentration se notait dans ses traits, ses sourcils froncés. Ses yeux parcoururent les lignes, et sans que Niallàn ne sache ce qu'il avait déjà lu et s'il était arrivé à la fin, elle le vit recommencer, après l'avoir dévisagée une seconde. Il sembla faire le parallèle entre elle et le parchemin, et relut les mots comme s'il s'agissait d'une confession., ce qui était plus qu'improbable venant de Deryn Finalement, il plia le parchemin et le posa sur la table, se décidant à s'asseoir. La galloise garda le silence, impressionnée et un peu mal à l'aise, attendant qu'il décide de son sort. Il parla de Deryn. Juste quelques mots d'une prise de nouvelles polies, la laissant choisir sa réponse sans la commenter. Il était intéressant, pas étonnant que Deryn l'apprécie, ni qu'elle le lui ait conseillé. Pas étonnant qu'en cette période, il soit une des rares personnes en laquelle la jeune femme recluse ait confiance. Il dévisagea sa nouvelle élève un moment et hocha la tête, souriant. « Pourquoi as-tu besoin de moi ? Deryn est restée vague dans sa lettre, je suppose qu'elle préfère que tu m'explique ça toi-même. » Là, elle était en plein dedans. Elle devait être franche et contre toute attente, ce fut assez aisé. Il était reposant, comme Deryn. Non, d'une toute autre façon en réalité. Alors que Deryn apaisait sa soeur, Logan occupait simplement trop de place dans l'esprit de Niallàn pour qu'elle parvienne à s'éparpiller. Il était là et il n'y avait que lui. Il était ordonné, comme elle d'ordinaire. Et les choses devenaient un peu plus faciles. Ce cours-là ne dura qu'une heure ou deux, et ils n'avaient presque rien fait. Il lui avait parlé du livre qu'elle avait trouvé dans sa chambre, l'ouvrage de Bastian Enaides, le présentant comme la base de son apprentissage. Il lui avait parlé de ce qui l'attendait, lui expliquant comment s'y prendre. Ce qu'elle pourrait faire avec Deryn, si elle le voulait, et ce qu'elle devrait faire seule. Il lui avait mieux dépeint la métaphore de la forteresse, bref, il l'avait préparée à son apprentissage de façon à ce qu'elle ne perde pas trop de temps à se heurter à un mur qui n'avait rien à faire là. Si Logan semblait penser que beaucoup de choses ne se feraient pas en sa compagnie, parce que son élève devait réfléchir seule, il jugeait inutile ne ne pas l'orienter suffisamment pour ne pas ralentir les choses. Si la galloise avait besoin de maîtriser cet art, si elle se montrait sérieuse, alors il était inutile de l'entraver volontairement. Il avait préparé son esprit à se plier à sa volonté, tout simplement. Du moment où elle quitta l'appartement Londonien jusqu'au jour où, presque un mois plus tard, elle parvint à faire ployer son esprit sous sa volonté, elle s'entraina sans relâche. Insistante et dépendante. Elle avait besoin de l'exercice pour ne pas craquer, malgré les difficultés. Elle avait commencé par lire l'ouvrage dans son intégralité, le sortant finalement du QG pour le garder avec elle, le soir, et passer des nuits entières à en parcourir les lignes serrées. Elle avait corné quelques pages, quand elle ne comprenait pas, et les avait relues avec Deryn, qui lui avait expliqué. Puis elle avait commencé à travailler sur son esprit, lentement. Les débuts avaient été difficiles. Il avait fallu des jours et des jours avant qu'elle ne sente le moindre résultat. Sa tête ne voulait pas se vider, et plus elle essayait, plus elle forçait, plus ça empirait. Les pensées affluaient, attirant à la surface les souvenirs, comme si le but du jeu, plutôt que de vider son esprit, était de le remplir au maximum, d'y entasser des choses sans intérêt pour que, à la fin, il déborde. Elle avait l'impression de se noyer, encore. De boire la tasse. Elle s'y prenait mal, et c'était oppressant, mais elle était entêtée. Aussi elle tentait l'exercice dès qu'elle le pouvait. Partout, tout le temps. Le soir, avant de dormir, elle fermait les yeux et tentait de ne penser à rien. Non seulement cela ne fonctionnait pas, mais en plus elle entendait cette fichue phrase résonner dans son esprit, couvrant le brouhaha qui ne la quittait pas. « Penser à rien. » Elle continua ainsi une semaine. Essayant, sans trop savoir. Se concentrant pour oublier, se forçant à ne pas penser. Et forcément, cela ne fonctionnait jamais. Pour se concentrer, il fallait réfléchir. Et pour oublier, il ne fallait pas penser. Les deux concepts n'allaient pas ensemble. Elle s'était trompée. Elle s'était enfoncée dans un tunnel qui ne menait nulle part. Elle devait oublier, et reprendre du début. Elle devait réfléchir, et revoir Logan. Il ne l'aiderait pas pour cette épreuve, mais il semblait à la galloise qu'exposer sa vision des choses à son mentor rendrait sa théorie plus sûre. Plus crédible. Alors elle frappa, pour la deuxième fois, se demandant toutefois s'il serait là, puisqu'elle n'avait pas prévenu. Il ouvrit et elle soupira. Ça n'était pas l'appartement où il vivait, comment pouvait-il être toujours présent et toujours seul, toujours disponible ? Avec un haussement d'épaules, elle entra et prit place avant même qu'il ne lui propose, pressée. « Je crois que j'ai compris. J'ai essayé d'aller trop vite. Pour fermer l'esprit, il faut l'ouvrir. C'est ça, hein ? Il ne faut plus penser, même pas songer qu'on ne veut plus penser. Si on ferme son esprit en se concentrant sur soi, alors on laisse tout à l'intérieur. Il faut s'ouvrir pour que tout s'échappe. Comme ça, on ne pense plus a rien. » « Tu as réussi ? » « Non, je n'ai pas essayé encore. » Il sourit et la laissa faire, soutenant son regard fixe. Il prenait énormément de place. Il était apaisant, sa présence était agréable. Il semblait, rien qu'en vous regardant, plonger en vous et en chasser tout ce qui s'y trouvait. Évidemment, cela facilitait la tâche, et même si elle parvenait à tout laisser fuir, là, rien ne serait gagné. Parce qu'elle ne pouvait pas l'avoir toujours avec elle, et qu'elle devait se débrouille seule. Mais là, elle pourrait avoir un point de départ. Elle songea brièvement à tout ce qui la préoccupait et le fixa jusqu'à ce que sa vue devienne trouble, jusqu'à oublier, tout oublier. Il claqua des doigts, et elle sursauta, se frotta les yeux. Perdu. Elle avait cessé de penser, certes, mais elle avait simplement oublié d'être. Elle s'était laissée aller, et si en surface il n'y avait plus rien, n'importe quel légilimens aurait pu fouiller dans ses souvenirs. Même Logan, s'il avait voulu lui montrer. Elle devait se concentrer. C'était... « Compliqué. » « Tu abandonnes ? Tu as ce que tu voulais, tu arrives à te reposer. » Niallàn hésita. Il avait raison. Elle avait voulu que ses préoccupations la laissent un peu, elle voulait contrôler ses émotions et le flot de ses pensées. Et elle avait oublié, là. Tout était parti. Est-ce qu'elle devait se contenter de ça, ne plus rien faire ? Est-ce que ça changerait quelque chose, de s'arrêter là ? Elle sourit, et se releva, saluant son mentor. Si elle s'arrêtait là, elle manquait beaucoup de choses. Ça n'avait aucun sens. Elle se reposait parce qu'elle fuyait. Elle était incapable de quoi que ce soit dans cet état. Et elle ne voulait pas être inutile. Elle voulait se protéger pour pouvoir continuer à s'occuper de Deryn et Cadfael, de ses parents. Elle voulait ordonner ses pensées, pas les oublier, d'un coup, et les laisser revenir comme on ouvre les vannes d'un barrage. C'était ridicule. Elle passa la soirée avec Deryn, lui racontant ses progrès, et repris l'entrainement le lendemain. Ne cessa pas quand Deryn revint vers elle. Le retour de son aînée ne facilita pas son apprentissage, la rendant moins assidue, mais l'ancienne serdaigle se remit vite au travail, ayant à la fois moins d'heures de solitude à combler, et plus de temps libre, puisqu'elle n'avait plus à suivre les cours de Deryn. Elle continua donc, pressée mais plus patiente qu'au début. Et elle progressait. Lentement mais sûrement. Jusqu'à vouloir passer à l'étape suivante, la forteresse.
Rituel d'Occlumancie - partie 3
Rituel d'Occlumancie - partie 2
Testage de programation des billets... ^^
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Le bruit
familier d'un grimoire tombant sur le sol fit sursauter Niallàn qui
se redressa, somnolente et courbaturée. Elle n'avait pas cessé de
cavaler à droite à gauche, depuis le nouvel an. Une semaine qu'elle
se démenait pour que les choses, à défaut de s'arranger, n'empire
pas, et elle était épuisée. Elle aurait sans doute pu choisir une
chambre du nouveau QG, ou s'installer dans un endroit plus
confortable que le couloir, mais depuis qu'ils s'étaient installés
chez son professeur de Magie Noire, la rouquine avait fait son
possible pour ne pas se mêler aux autres. Elle n'avait pas envie de
les voir souffrir, de les entendre se plaindre ou tenter d'avancer,
comme si tout allait passer, s'estomper. Elle n'avait pas envie de
les voir croire à ses explications fumeuses concernant Deryn, et les
voir inquiets mais trop préoccupés pour s'occuper de l'apprentie
médicomage.
Et puis la solitude ne lui faisait pas
de mal. Elle avait décidé de s'installer chez ses parents au Pays
de Galles, et de transplaner chaque jour pour l'UMA. C'était mieux
qu'abandonner la vieille bâtisse par crainte des mangemorts, et ça
lui permettait d'être un peu plus proche de Deryn. Si sa soeur
décidait de sortir de sa cachette pour passer à la maison, Niallàn
la verrait. Elle pourrait aussi la voir au QG, à l'université.
Partout où Deryn risquait de passer une fois sortie de sa torpeur,
elle pourrait la voir et la soutenir. Et si elle ne la trouvait ni
dans le vieil abri qu'elle avait investi, ni à la maison, ni à
l'UMA, ni au QG, si Deryn était introuvable, alors elle serait à
Sainte Mangouste, et Niallàn y passerait. Elle irait même la
chercher sur son rocher Grec s'il le fallait. Il n'était pas
question qu'elle s'évanouisse dans la nature et qu'elle la laisse
seule. Pas question que Niallàn n'ait plus personne. C'était
injuste et invivable. Sans sa famille, elle n'était plus rien. Elle
ne s'était pas donné tant de mal pour les protéger, tous, pour
qu'au final ils la laissent vraiment.
Avec un soupir, la galloise noua un peu
mieux ses cheveux roux et se frotta les joues, pressa ses paumes sur
ses yeux clos pour tenter de se réveiller un peu, de se redonner un
peu d'énergie. Elle gémit, mal à l'aise et un peu frigorifiée et
s'étira, sans savoir ce qu'elle devait faire. Elle avait promis à
Cadfael qu'elle passerait. Elle devait lui apporter quelques fioles
de polynectar, par sécurité, et elle avait promis qu'elle viendrait
le voir aujourd'hui. C'était son troisième passage, et leurs
rapports ne s'amélioraient pas. Elle lui en voulait. Il avait été
blessé et leur avait menti. Il avait blessé Deryn, les avait
abandonnées. Et même si le mot était un peu fort, il les avaient
trahies. Parce qu'il était incapable de prendre correctement soin de
lui même, mais surtout parce qu'un semestre durant, il leur avait
caché tout ce qui comptait, comme si elles n'importaient pas. Comme
si ses blessures et sa petite amie étaient plus importantes que les
deux soeurs qu'il connaissaient depuis toujours, et pour qui il se
disait prêt à tout.
Il était inintéressant, maintenant.
Parce qu'elle avait travaillé dur pour lui. Parce qu'elle s'était
mise en retard dans ses révisions et pour les cours, parfois, pour
le réveiller et le secouer un peu, quand monsieur ne voulait plus
rien faire, seulement attendre. Elle avait gardé son secret, s'était
montré digne de confiance, et il n'avait rien fait. Rien dit. Pas un
mot concernant Crystal, et ce pendant plusieurs mois. La rouquine
laissa sa tête cogner contre le mur et fit la moue, fatiguée d'être
en colère contre tout et tout le monde. Elle voulait juste que le
monde se taise, et que tout soit un peu plus simple, un peu plus
limpide. Elle avait toujours été froide et posée, l'esprit clair.
Tout était classé ou classable, des théories applicables. Il
suffisait simplement de raisonner logiquement et sans parasite. Mais
ça ne marchait plus. Et c'était peut être pour ça qu'elle lisait
cet énorme bouquin dès qu'elle avait un moment de libre. Dès
qu'elle était au QG, puisqu'elle ne voulait pas sortir l'ouvrage de
l'enceinte protectrice du nouveau repaire.
L'occlumancie, tout un art. C'était le
titre du volume qu'elle avait récupéré dans la chambre de l'UMA,
avec quelques autres ouvrages sur la magie runique trop précieux, en
cas d'une éventuelle fouille, et de divers objets et ouvrages
pouvant être assimilés à de la magie noire ou concernant les deux
magies de l'esprit. Elle savait ce que ces bouquins faisaient là,
elle se rappelait de Deryn lui expliquant ce qu'elle apprenait. Elle
savait parfaitement que l'art qu'avait appris sa soeur n'était pas
qu'une étude comme n'importe quelle autre. C'était légal, certes.
Mais avec tout ce qui se passait en ce moment, avec les gens qu'elles
connaissaient, la peur de Deryn et ce qu'elle risquait...
Les mangemorts et autres ne devaient
tout simplement pas savoir ce que pouvait faire Deryn. C'était
mauvais. Et la petite dernière du clan Cadell avait préféré
planquer tout ce qui concernait la légilimancie et l'occlumancie,
dont Deryn maîtrisait les bases. Juste au cas où. Deryn devait être
intouchable.
Un nouveau soupir et Niallàn tenta d'ordonner ses pensées. Il fallait que les idées cessent d'affluer en vrac dans son esprit, comme un CD rayé qui tournerait en boucle, les chansons défilant dans le désordre. Un mauvais medley qui n'obéirait à aucune logique. Elle pensait à Cadfael, à Deryn, à elle, l'ordre, le livre, l'UMA, Cadfael, le livre, Crystal, ses parents, les fleurs... Elle devait prendre les choses une par une. Parce que c'était comme ça qu'on avançait. Parce que sans ça, elle finirait par se noyer, et le figuré n'avait pas plus d'attrait que le sens propre. Peut être qu'une bonne douche l'aiderait ? Rester droite sous la pluie drue. Peut être. S'il avait plu... Niallàn secoua la tête. Si elle commençait à rêver d'eau, c'est que les choses allaient bien moins bien que ce qu'elle imaginait.
D'un geste sec, elle referma le livre et essuya la poussière qui en couvrait la couverture. Il était toujours poussiéreux. Peut être parce qu'elle passait son temps à le dissimuler dans des lieux improbables et à le faire tomber dès qu'elle s'assoupissait. Quoi qu'elle fasse, qu'elle tente de comprendre comment les deux disciplines fonctionnaient, qu'elle se détende simplement en lisant quelque chose de compliqué ou qu'elle décide de maîtriser l'occlumancie, ce bouquin était une bénédiction. Elle avait quelque chose dans les mains qu'elle devait protéger, et qui se laissait faire. Un trésor dont tout le monde se désintéressait, dont personne ne connaissait vraiment l'existence, et qu'elle devait dissimuler. Pour une fois, elle parvenait à ses fins. Pas comme avec Cad.
Un sourire moqueur étira ses lèvres et elle se leva. Elle devait aller le voir. Laisser son livre quelque part, sous une pile d'autres ouvrages sans intérêt, prendre ses quelques fioles, et retrouver Cadfael. Elle devait avoir l'air bien. Détendue et, à défaut d'être heureuse, perdre la figure de détresse qu'elle affichait quand elle était dans ce satané couloir. Elle haïssait Cadfael, mais il était encore plus énervant quand il s'en faisait pour elle. Elle déglutit et inspira à fond, décompta à partir de dix. Avec un vague sourire, elle annonça qu'elle avait des choses à faire à l'extérieur et quitta l'écosse pour Londres. Elle transplana dans une ruelle, comme à chaque fois qu'elle devait arriver en quartier moldu et traversa à pieds les quelques rues qui la séparaient de l'appartement, pestant contre cet imbécile de grand frère. Elle s'était donné du mal pour ne rien savoir concernant la destination finale de ses parents, et lui, plus en danger qu'eux, la laissait savoir. Si elle était interrogée, si on la forçait à leur dire, elle le mettrait en danger. Il était nul.
Rituel d'Occlumancie - partie 1
J'ai pas posté depuis quelques jours, et je manque de temps pour faire des messages intéressants (parce que les autres le sont, si si), donc je parlerais de Blois une autre fois, de l'italien aussi. Mes idées de messages attendront un peu, en attendant, je vais poster un texte de role-play fait pour Niallàn, un personnage de l'univers Harry Potter, anciennement a Serdaigle et maintenant à l'Université Magique de Grande Bretagne et dans l'Ordre du Phénix. On est encore en décembre sur le forum, mais au nouvel an (dans le jeu) le QG de l'Ordre va etre découvert avec des conséquences assez importantes pour tout le monde. Niallàn va décider d'être occlumens, et comme le rituel est de 10 000 mots... j'en suis a 5000 j'ai commencé hier. J'posterai petit à petit, pour pas que ce soit trop lourd. Enjoy.
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Pourquoi est-ce qu'il fallait toujours que tout dérape ? Pourquoi, alors que les choses auraient dû être belles, fallait-il que tout le monde soit blessé ? Tout le monde malheureux, désespéré. Pourquoi fallait-il qu'elle soit seule, si terriblement seule ? Laissée sur le côté, avec le sentiment écœurant d'être une enfant laissée sur le bord du chemin. Abandonnée sur une aire d'autoroute, attachée à un arbre avec du fil barbelé. Elle voulait bouger, retrouver les autres, mais ils ne la laissaient pas faire. Jamais. Et ça faisait mal, ça griffait, ça brulait. Et ils partaient. Cadfael disparaissait et Deryn... elle était tellement malheureuse, sa pauvre Deryn. Et pourquoi elle n'avait pas le droit de participer, elle ? Pourquoi, pourquoi, pourquoi ?!
Niallàn gémit et se laissa glisser contre le mur, s'asseyant dans le couloir de ce qui était leur nouveau QG. Elle était épuisée, elle n'en pouvait plus. Et pourtant, rien de tout cela ne la concernait directement. On ne lui avait rien fait. Rien du tout. Elle n'était pas blessée. Elle n'était pas traquée. Elle n'était rien. Simplement quelqu'un au milieu des autres. On ne lui demandait presque rien, et ça n'était pas vraiment dur. C'était son père qui avait été privé de sa famille depuis l'été. D'ailleurs, c'était de sa faute à elle. C'est elle qui, avec le consentement familial, avait décidé de l'exiler réellement, l'implorant de limiter les visites qu'il leur rendrait, sous polynectar. C'était sa mère qui avait perdu ses enfants, son mari, et qui s'était vue retirer sa boutique pour un temps, là encore parce que Niallàn l'avait aidée à fuir et lui avait demandé de tout abandonner.
Pour ce qui était de Cadfael et Deryn... est-ce qu'ils ne souffraient pas, eux aussi ? Ils étaient bien plus malheureux qu'elle. Ils étaient au centre de tout eux. Pas Niallàn. Niallàn était blottie contre ce mur froid, à se blâmer pour des choses dont elle n'était pas coupable et à s'apitoyer sur son sort. Edward avait été gravement blessé. Cadfael devait fuir. Deryn était tellement mal que rien ne pouvait l'aider, pas même la présence de sa cadette. Quand elle l'avait trouvée, cachée et terrorisée, elle avait eu envie de la secouer pour la forcer à réagir. Elle avait voulu lui demander de ne pas la laisser toute seule. Mais finalement, elle n'avait rien fait. Elle avait essayé de la consoler, de la protéger. Sa belle Deryn, tellement précieuse. La seule qui était encore là, un peu. La seule que tout le monde blessait, sans égard pour elle.
Niallàn n'avait rien. Les blessés étaient des connaissances, pas des amis. Les fuyards étaient des amis, mais ils souffraient plus qu'elle. Et tous torturaient sa soeur par leurs faiblesses. Alors qu'elle avait passé tout un semestre à vouloir l'aider, la protéger et la choyer. Sa grande soeur. La seule de son clan qui restait encore, fragile mais présente. Et elle, elle n'avait rien. Pas un problème. On ne lui avait rien demandé du tout. Rien de rien. Elle n'avait pas dû soigner ses amis, pas non plus dû affronter la douleur de ses proches. Sauf celle de Deryn, bien sur, plus importante que toutes les autres. Ils pouvaient bien tous mourir, ceux qui la blessaient et qui obligeaientt Niallàn à ramasser les morceaux. Ils auraient pu mourir, mais Deryn aurait encore plus souffert. Et Niallàn restait là, au milieu et à l'écart en même temps. Toute seule. C'était normal, elle n'avait rien. Pas de blessure. Rien du tout.
Elle soupira et passa ses mains sur ses joues, se frotta les yeux. Elle était égoïste, avec ses plaintes. Elle ne pensait qu'à elle, qu'à sa peine. Parce qu'elle les haïssait tous, et Cadfael en premier. Il leur avait menti. Il les avait laissée, l'avait laissée, elle, avec trop à faire. Comment devait-elle s'y prendre ? Par où pouvait-elle commencer ? Elle n'était même pas malheureuse. C'était quoi son problème ? Elle s'en fichait, de leurs blessures et de leurs plaies. Ils pouvaient agoniser sous ses yeux. Elle comprenait, bien sur. Elle compatissait même. Mais elle n'était pas malheureuse pour eux. Il y avait beaucoup de gens tristes pour se permettre de l'être. Elle était juste en colère. Elle leur en voulait. Parce qu'ils étaient inutiles. Parce qu'ils avaient perdu. Parce qu'elle ne leur servait à rien. Parce qu'à cause d'eux et de leurs combats vains, Deryn était inconsolable. Et c'était le pire. Que l'on atteigne sa soeur.
Niallàn voulait que ça se calme, que tout s'arrête. Que les choses se figent, que l'obscurité se fasse et que le rideau tombe, annonçant la fin. Comme on souffle sur la flamme d'une bougie. C'était fatiguant, et elle était perdue. Elle avait encore trop à faire. Elle aurait pu se cacher aussi, mais il ne fallait pas. Elle aurait pu retourner voir Deryn et se blottir dans ses bras. Mais ça n'avait aucun intérêt. Elle ne voulait pas être un poids pour sa soeur, et elle devait l'aider. Parce que Deryn était la famille, et qu'elle était ce qui lui restait. Il faudrait qu'elle envoie une lettre aux parents aussi. Quelque chose de discret. Mais pas tout de suite. Il faudrait qu'elle cesse de penser à Cadfael, qu'elle ne pense pas à ses parents. Il fallait qu'elle protège Deryn. Il fallait qu'elle lui soit utile, il fallait qu'elle l'aide, il fallait qu'elle continue de paraître normale et naturelle, il fallait qu'elle aille en cours, il fallait... il fallait... il fallait beaucoup trop de choses.
Elle devait s'organiser. Réfléchir, comme toujours. Elle allait se calmer, d'abord. Arrêter de pleurer. Ensuite, elle dirait à quelqu'un, peu importait qui, que Deryn allait bien, qu'ils ne devaient pas s'inquiéter pour elle parce qu'elle s'en occupait. Que sa soeur reviendrait dans un petit moment. Elle allait retourner au Pays de Galles, pour voir si Dilwen s'en sortait, avec la boutique, et si elle n'avait pas encore eu de problèmes. Elle ne savait rien, de toute façon. Elle retournerait voir Deryn. Elle irait en cours. Suivrait les siens et ceux de sa soeur. Prendrait des notes et les recopierait pour Deryn. Elle irait les lui donner, passerait à la maison au Pays de Galles, mettrait un peu d'ordre. Et après elle verrait. Après elle cesserait de penser. Elle se construirait une muraille et se planquerait derrière, l'air de rien. Elle ne pouvait pas fuir mais elle pouvait toujours s'isoler un minimum, se refermer sur elle-même pour essayer d'être plus efficace. Faire abstraction du monde extérieur. C'était une bonne idée. Après, elle dormirait.
Diachronie, Sprachbund et autres trucs chouettes...
Et voilà. Depuis le temps que ça menaçait tout ça, c'est fait : les cours ont commencé. Et miracle ! je suis même inscrite. Enfin pas tout à fait, mais ils savent que j'existe, ils m'ont même envoyé un accusé de réception de mon inscription. Heureusement en même temps, je suis allée leur porter moi-même, alors s'ils m'avaient dit que l'enveloppe ne leur était pas parvenue... 'fin faut pas charrier ! Mais voilà, normalement, l'inscription va plus être longue (sauf problème fort probable) et en attendant, j'commence tout doucement. Mais genre vraiment doucement, mon emploi du temps est terrible. Les lettres modernes, c'est le bonheur absolu. Finalement, moi qui voulais apprendre le japonais, des langues nouvelles, découvrir quelque chose de différent... Pourquoi chercher loin quand on a déjà une langue à travailler ? Grammaire et conjugaison de base, typologie, syntaxe, littérature... On avale des mots à la louche, mais franchement, c'est agréable. Comme l'impression d'être au bon endroit.
Bon, reste le problème des gens et de la peur. Les crises d'angoisses, les tremblements et l'hyperventilation... Ben ça se calme pas tout à fait non plus. Enfin au moins, je sais pourquoi j'en bave, c'est déjà ça. Même si le temps à bosser et à recopier mes cours prend sur mon temps de role-play, si, du coup, j'ai l'impression de rater des trucs... Bah finalement, je vais peut être réussir à faire quelque chose de mes neurones, hein ? Faut dire que ça serait pas mal. Maintenant, prochaine mission : trouver un job. Et ça ben déjà c'est pas gagné. Comme ces gens qui rêvent de gagner au loto... Mais qui ne jouent jamais. Ah bah oui, parce que postuler quand la simple idée de parler au téléphone avec un employeur vous colle des sueurs froides... c'est pas des plus pratiques. Et puis il me fallait mon emploi du temps de toute façon. Maintenant, je rattrape mon sommeil en retard, et je suis opérationnelle ! (ouais, j'y crois.)
Ma vie est trépidante, comme toujours
Je n'ai pas posté ici depuis un moment, autant par flemme que par manque d'idées et de temps. Mais ça ne veut pas dire que je lâche le blog, cette fois j'y suis j'y reste. Donc un nouveau post pour dire un peu ce qui se passe en ce moment, depuis deux semaines que je n'ai rien écrit ici. Parce que sans rire, même s'il n'y a rien de vraiment important, j'ai fait pas mal de trucs, et avec l'arrivée de la fac (journée de réunion mercredi, ça promet), ben j'ai encore tout un tas de choses (désagréables) à faire. Mais finalement, je suis plutôt contente des derniers jours, que j'ai passé à Paris, de façon toute à fait imprévue puisque j'ai dû demander à Z. si je pouvais venir chez elle entre mardi et vendredi genre... samedi (celui d'avant, quand même). Donc j'ai profité du paternel qui montait à Blois pour que le trajet jusqu'à Paris revienne moins cher, et c'était cool (et court).
Cette fois encore, on a eu des horaires bizarres, mangé tout et n'importe quoi, mais en deux jours, on a quand même pu faire des choses (oui mardi à vendredi, ça fait deux jours complet, je suis arrivée le soir et repartie le matin). Pour commencer le mercredi après midi, direction le quartier latin (si je me plante pas) pour Ladurée. C'est une merveille pour quelqu'un qui aime le sucre comme moi ! Je pourrais y faire ma vie. Bien sûr, la nervosité qui ne me lâche pas depuis plus d'une semaine a tenté de me troubler à grands coups de vertiges et autres joyeusetés, mais j'ai vaincu, et c'était vraiment vraiment bien.
Thé miel agrumes pour elle si je me plante pas, avec assortiment de quatre macarons caramel, rose, framboise et fleur d'oranger. J'ai du mal avec la rose, personnellement. Z. dit que c'est fin, mais ça l'est peut etre un peu trop, j'ai eu du mal a trouver le goût, bien que ça soit agréable. Trop peu sucré. fleur d'oranger, c'est pas mal, avec une texture assez originale, et le caramel (qu'elle m'a offert, bénie soit elle pour cet apport en sucre) était vraiment bon. Pour moi, c'était lait chaud (avec plein de sucre, étonnant) et une patisserie inconnue au bataillon. J'avais d'abord voulu un élysée (chocolat, creme chocolat, cacao et biscuit, quelque chose du genre), et ils n'avaient plus, donc ils m'ont apporté un autre gateau, probablement plus sucré que l'autre, au chocolat au lait, noisette et praliné. Vraiment très bon, et on a beau trouver ça cher à la fin, je ne suis pas déçue. La prochaine fois faut qu'on tente Berthillon, ça doit être génial aussi.
Le jeudi, on devait aller au médiéval, la taverne qui se trouve près de Breguet Sabin, si je ne me trompe pas (ligne 5, toujours si je ne me trompe pas). Mais finalement, ayant prévu de voir une autre camarade rp pour une après midi cuisine, le soir est tombé à l'eau, trop crevées pour bouger. Mais l'après midi était géniale. Gyozas (merveille), un machin arménien dont j'ai perdu le nom et super bon (remerveille), des crêpes et du bara brith, l'espèce de brioche/pain d'épice gallois que Z. et moi avions prévu de faire depuis des lustres (six mois donc, vers là). Je maintiens que ça n'était pas assez cuit et que ça aurait pu être mieux, mais n'ayant jamais essayé, c'était cool quand même, et ça leur a plu.
Il y a eu My Fair Lady aussi, qu'on a regardé mercredi soir, que je n'avais jamais vu et que je dois absolument m'acheter. C'est juste génial, le temps passe super vite et tout, bref, j'adore.
Enfin, c'était juste pour les deux jours donc, après j'ai regagné Blois en train, et je ferai un autre article dessus parce que j'ai des photos de la cathédrale, maison des acrobates et compagnie, et que c'était terriblement chouette. Même si j'avais envie de rentrer. Et là, je me suis inscrite sur un nouveau forum qui tourne autour de l'univers créé par Anne McCaffrey, Pern. J'avais lu le premier tome prêté par Z. fin mars, la première fois que j'étais montée la voir, et j'ai fini par craquer, ayant envie de me refaire un nouveau personnage depuis un moment. Les posts pour Pern étant assez courts, ça ne me prendra un peu de temps et évitera que je me précipite sur Solveig, l'autre personnage qui me trottait en tête. Donc voilà, la jeune Dryn vient d'intégrer le Weyr des Terres de Feu, et c'est plutot cool en fait. Ce forum va changer des rpgs Harry Potter ou même de Fallen, et ça va me pousser à lire les livres. Yen a beaucoup, mais c'est vraiment bien.
Bref, en ce moment, malgré le CROUS comme toujours incompréhensible et la fac qui traine, l'appart qui est toujours en désordre et le reste, je me réjouis un peu de tout, et ça fait du bien. En priant pour que mon passage a la fac demain n'entame pas ma bonne humeur
Torin Cormac Ó Loingsigh - partie 8
Parce que j'en avais quand même un peu marre, la dernière partie de l'histoire de Torin avant de passer (enfin) a autre chose. Enjoy !
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Après cette histoire de
moto donc, tout était redevenu calme, peut être même un peu trop. Les
Riagal avaient continué à assumer la gérance de tout ce qui était
bassement matériel et purement inintéressant : vente de terrain, tâches
notariales de bases, ce genre de choses ; et moi et les miens nous
étions chargés des quelques éternels de passage, leur expliquant les
choses avec toute la diplomatie dont nous pouvions faire preuve avant
de tuer si besoin était. On n’approche pas un chien avec un os, et
Headford était pour moi un trésor à protéger. Bref, les choses
suivaient leur cours. Ternoc prenait peu à peu la place de son père, ce
qui n’était pas forcément plus mal, et Faolàn continuait ses études de
médecine. Loin et donc un peu moins encombrant que d’ordinaire. Jusqu’à
ce que son frère fasse des siennes.
Nous lui avions choisi une
épouse, puisqu’il était adulte et donc en âge d’être chargé de quelques
responsabilités. Etant plus ou moins fils unique, et donc seul héritier
possible, il était logique qu’il suive la ligne tracée plusieurs
siècles avant sa naissance. Et je ne lui en demandais pas beaucoup :
une femme et un garçon. Qu’il fasse ce qu’il voulait après, qu’il
prenne autant d’amants qu’il le désirait (amants et non amantes, le
masculin est volontaire), peu m’importait, au contraire, s’il ne
touchait plus sa femme, nous éviterions d’autres problèmes comme son
frère. Une tâche assez simple donc. J’avais ordonné et Eolas s’était
chargé de choisir la future femme, Seena. Jolie, instruite et pas bien
gênante, Ternoc se serait probablement entendu avec elle. S’il n’avait
pas crié au scandale dès qu’une fille l’effleurait, bien sur.
Seena
était arrivée à Claran début décembre, pour que sa présence facilite
les préparatifs. Faolàn l’avait rencontrée en décembre et les
préparatifs avançaient assez bien quand Ternoc refusa, effrayé mais
décidé, arguant que nous n’avions qu’à la marier à Faolàn. D’où le
retour de l’enfant prodigue. Je pourrais vous expliquer longuement ce
qui m’amena à accepter cette solution, mais ce serait inutile et mille
fois trop long. Le résultat étant qu’empêcher Seena de pouvoir
concevoir ne serait certainement pas trop dur, quelque soit la méthode
employée, et finalement, les choses ne seraient pas plus mal ainsi. Le
peu qu’ils s’étaient vus, Fao avait semblé apprécier la fille, et si
elle ne pouvait lui donner d’enfant, les choses finiraient doucement
par s’arranger, et il ne restait que la manière de la rendre stérile à
étudier.
Seena fut donc promise à Faolàn, sans une
protestation de sa part, et l’exilé revint ses études à peine finies,
pour que les préparatifs reprennent assez rapidement et efficacement.
Je
ne vous raconterai pas le mariage. D’une part, parce que je connais
trop bien ce genre de massacre pour croire ne serait-ce qu’une seconde
que sa description pourrait vous apporter quoi que ce soit, d’autre
part parce que je n’y étais pas. Leur répétition ne m’intéressait pas
vraiment, bien conscient que Faolàn était de toute façon trop fier pour
laisser son mariage être imparfait, et j’avais mieux à faire avec une
vieille connaissance de passage à Annaghkeen, ma propre chasse et des
affaires à voir avec Ardghal. Je m’y serais peut être rendu plus tard,
pendant le banquet, mais en attendant, Corb était sur place, et je
n’avais pas lieu de m’inquiéter. Corb était sensé être un de mes plus
fidèles compagnons, ayant quitté Dublin avec moi, comme Ardghal. Mais
je suppose que le temps ne change pas grand-chose, et que l’admiration
finit toujours par se faire envie.
Je ne vous dirai pas non plus
comment il s’est débrouillé pour monter cette mascarade, parce que ce
seraient pures conjectures de ma part. Ce qui était sur, c’est que ça
n’était pas décidé de la veille et qu’il n’était pas seul. Il avait
fait les choses bien, réellement. Ça n’aurait pas été pour tuer mes
humains, détruire celui qui m’intéressait le plus pour tenter de me
défaire, je l’aurais certainement complimenté. Mais la trahison n’a
jamais été la faute que je préfère, et j’ai souvent du mal à pardonner.
Pour ne pas dire toujours. Je n’ai pas besoin de pardonner, j’ai
l’éternité pour oublier.
Je sus trop tard, et mon impuissance
m’insupporte aujourd’hui encore. Rien n’allait, encore une fois. Mais
ce soir, les choses avaient pris une toute nouvelle importance, puisque
plus que Faolàn, j’étais la cible de cette histoire. Lorsque l’on
dirige, les choses sont simples. Quoique l’on fasse, il faut se faire
apprécier du peuple, au moins un minimum, pour qu’il reste silencieux
et docile. Il faut imposer le respect aux opposants, s’arranger pour
que toutes vos décisions semblent, à défaut de l’être, justes. C’est le
principe de toute hiérarchie, et si ces quelques règles ne sont pas
appliquées, c’est l’insurrection. Comme les dizaines de révoltes
auxquelles j’avais participé, comme la poignée de guerres dont j’avais
été témoin. Corb avait participé aux Pâques Sanglantes, il le savait
aussi.
J’aurais pu me protéger derrière cette trahison,
exécuter l’homme (ou le vampire) publiquement, et ses compagnons avec,
qu’ils soient conscient de leur acte ou non. Car je ne doutais pas que
la plupart de ceux qui l’avaient suivis avaient bêtement cru obéir à
mes ordres, sachant qu’il avait ma confiance et qu’il était proche de
moi. Mais un seigneur, irlandais de surcroît, ne montre jamais ses
faiblesses, où, une fois encore, c’est l’insurrection. Il ne faut pas
beaucoup au peuple pour se soulever. Je n’avais donc pas nié lorsque
l’on m’avait accusé, me contentant d’ignorer les piaillements humains
pour me concentrer sur ce qui était plus important : empêcher Corb
d’avoir ce qu’il voulait, à savoir ma tête. Il pensait, à juste titre
que Faolàn était celui avec lequel les choses seraient les plus dures.
Les gens l’aimaient, il avait mon intérêt, ma protection et ma haine à
la fois. Il savait que le garçon me provoquerait et était certain que
les choses s’envenimeraient. Soit je tuerais Faolàn, compliquant les
choses, soit je serais trop faible pour trouver la bonne solution.
Attendant
que Faolàn ne vienne, donc, je ne fis rien. Rien du tout. Pas la
moindre explication, pas le moindre ordre, ni excuse ni pardon, ni mort
ni quoi que ce soit d’autre. Ne croyez pas non plus que je restais
immobile ou cloitré le temps que les choses se tassent. Ça non plus ne
fut pas au programme. Je chassais, dormais, comme s’il n’y avait jamais
rien eu, ignorant la présence de Corb comme avant, n’acceptant que le
regard intrigué d’Ardghal, pas vraiment inquiet ou inquisiteur. Il
s’interrogeait donc, m’étudiait, comme toujours, et je savais qu’il
n’attendait qu’un signal pour m’épauler. Un signal qui attendit quinze
jours. Mais l’affrontement avec Faolàn ne prit que deux nuits.
Lorsqu’il
arriva, Corb était déjà quelques peu à l’écart, méfiant et observateur.
Il n’y avait dans la demeure principale qu’Ardghal et moi, certains
chassant, d’autres s’étant éloignés, peu désireux de se mêler des
affaires de leur seigneur. Les choses étaient habituelles. Ardghal
ouvrit pour moi, et j’entendis la colère de Faolàn avant qu’il n’entre,
m’arrachant un sourire. Un pied posé dans le salon, il saisit la
première chose qui lui passait sous la main et la lança. Je la
rattrapai, imperturbable, et le saluai, levant à peine les yeux du
livre de comptes dans lequel j’étais plongé.
« C’est tout ? »
« C’est un début. »
J’avais
décidé de rester calme, impassible, monstrueusement normal. Ne pas
nier, ne pas avouer. Ne pas rejeter la faute sur le véritable coupable,
ne pas se dénoncer une seule fois. Un nouvel objet vola que j’arrêtai,
encore, laissant Faolàn geindre et crier, violent et perturbé.
« Laissez nous tranquille, nous n’avons pas besoin de votre enfer ! »
J’étouffai
un rire moqueur et refermai mon livre, sans me lever pour autant,
vaguement souriant. Il s’énerva encore, s’approcha, lança le livre loin
de nous et me frappa sans que je ne réagisse aussitôt. Il n’avait pas
la moindre force, et ses poings nus pas d’impact. Je montrai les crocs,
vieille habitude, et il redoubla d’efforts. D’un geste, je l’écartai,
me levant, lassé.
« Effacez le passé je sais pas mais débrouillez vous. »
Il me fusilla du regard et cracha encore
« Tout est de votre faute anyway ! »
Hum.
Je ne voudrais pas couper inutilement le récit passionnant des colères
de Faolàn, encore moins me croire martyr, ce serait idiot. Mais il faut
bien avouer que cette manie de toujours m’accuser, ça en devient
agaçant. Je souris, las, et il reprit
« Ne niez pas. »
J’obéis,
n’en ayant pas l’intention, et il continua, furieux, effrayé, humain.
Terriblement humain et faible. Pitoyable. J’ai toujours détesté ce
genre de sentiment, la pitié, qui me pousse à briser mes règles, à me
mettre en danger. Et Faolàn mettait ma patience à mal, inconscient de
la difficulté que j’avais à ne pas le tuer pour qu’il se taise. Il
m’accusa de lui en vouloir, je répliquai qu’il ne m’intéressait pas
suffisamment pour ça.
« Vous me détestez, vous voulez me rendre fou. Je crois que vous avez réussi. »
Son ton, beaucoup trop calme, m’arracha un soupir et je m’autorisai à mettre fin à la discussion.
« Oublie l’Irlande. »
« Je ne veux pas. L’Irlande est tout ce qu’il me reste, ne m’enlevez pas ça aussi. Je vous tuerai. »
Je
ne réagis pas, peu impressionné, et me fis plus explicite, lui
interdisant le sol Irlandais, le faisant jurer, en appelant à son
honneur.
« Je jure de ne revenir en Irlande que pour vous tuer ou mourir. »
Je
soupirai, le congédiai et confiait le reste à Ternoc, me moquant des
mots d’Eolas, n’ayant à l’esprit que ma vengeance personnelle qui
m’apparaissait de plus en plus claire. Je pourrais écrire encore sur
les dernières années, sur la traque d’Ardghal, Feren, Fergal et la
mienne, sur la mort de Corb et tous les autres, innocents ou non. Mais
mes histoires personnelles ne vous intéressent pas. Quant a Seena…
disons simplement que j’ai rendu sa mort plus courte
Torin Cormac Ó Loingsigh - partie 7
Avant dernière partie, j'ai fini la dernière tout a l'heure après une session msn un peu bizarre avec Faolàn, parce que l'exil, c'est pas chouette, et je suis toujours pas convaincue de mon truc. Enfin, de toute façon je râle tout le temps, et vous verrez bien demain, pour ceux qui lisent ;) Donc là, c'est à peu près la fin, avec Torin qui s'installe sur les terres Riagal, qui sont en fait entre Headford et le Lough Corrib (comté de Galway). Oh, puis les couleurs correspondent aux couleurs des dialogues des persos rp, donc slategray pour Eolas, au pif puisque qu'il n'est pas joué, seagreen pour Faolàn et maroon pour Torin Enjoy !
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Je pourrais vous raconter
les premières décennies, de la nuit où je me suis installé dans ce
petit motel au cœur d’Headford, avec Ardghal et les autres, au moment
où tout bascula, encore. Je pourrais vous narrer mes nuits, mon
rapprochement avec la famille Riagal et le patriarche et maire de
l’époque, Cuallaid. Mais soyons franc, cette histoire-là serait
terriblement longue et trop paisible pour être intéressante. Si vous
voulez jouer les voyeurs, en apprendre un peu plus sur les jeux de
pouvoir qui sont inévitables lorsqu’une même famille dirige des Terres
depuis plusieurs générations, prenez un bouquin d’histoire et
feuilletez le. Ces choses ne sont de toute façon que rarement
compréhensibles. Chaque affaire est différente, et pourtant
monstrueusement semblable à toute autre.
Ce que vous devez
savoir, c’est qu’après quelques années à m’approcher de Cuallaid et de
sa famille, j’étais parvenu à marquer leurs esprits et m’imposer si
bien que leur fils unique, Corann, me vit comme un sauveur lorsque les
vampires commencèrent à se faire plus présents. Nous n’étions pas
encore à la tête des gouvernements, mais l’époque faisait que souvent,
les nôtres étaient moins discrets, et j’en profitai. Le garçon m’avait
vu toute sa vie, immuable et angélique. Je pense que c’est la première
chose que voient les enfants chez moi. Cette figure de saint que je
tiens d’on ne sait où. Je n’ai pas le souvenir que ma mère ait eu un
air biblique, mais je me doute que la douceur et la bonté dont elle
savait faire preuve avaient été salies par les idiots qui passaient sur
son corps, par ses bourreaux masculins.
Toujours est-il que
Corann me respectait et m’admirait, et ce fut tout naturellement que
lorsque les premiers massacres se produisirent (et je ne tenterai pas
de faire croire que les miens n’y participèrent pas), le jeune maire se
tourna vers moi, m’accordant sa confiance et sa peur, sa superstition
le poussant à s’interroger sur mes origines divines. Mais sa soudaine
lucidité, et sa crainte grandissante ne changèrent pas grand-chose à
l’image qu’il avait de moi. Je l’avais vu grandir, devenir un homme, et
son père était mort. J’étais fort et accompagné, puisque nous avions
ralliés à notre cause les quelques vampires errants du comté, et il
avait besoin de nous, de ma protection. C’était aussi simple que cela.
En échange, il suivait mes lois, les règles que j’imposais à sa
descendance et aux hommes qui vivaient sur ses Terres. Un fils unique
par génération, pas tant pour me simplifier la tâche que pour éviter
les soucis de partage. J’avais connu les guerres et les drames
irlandais, et me souvenais des partages imposés entre chaque enfant
d’une même famille, je me souvenais de l’horreur et de la pauvreté, et
de la famine.
Je pourrais vous raconter bon nombre d’anecdotes
sur cette époque, mais les moments les plus paisibles de ma mort n’ont
jamais été les plus intéressants, et ils ont été si peu nombreux que je
les garde pour moi, les protège jalousement. Ce qui doit être raconté,
c’est la naissance du tout dernier Riagal. Le second de sa génération,
celui qui donna à l’héritier un frère et à tous beaucoup trop d’ennuis.
Samuel Faolàn Riagal.
Si j’avais accordé ma protection, mes lois
avaient été peu nombreuses et peu contraignantes, d’après moi. Un fils
unique, les filles au couvent… Archaïque, certes, mais c’était beaucoup
plus que beaucoup avaient, surtout depuis que les vampires étaient
reconnus. Ils n’avaient qu’un enfant, mais celui-là avait la chance de
vivre sans être inquiété. Il pouvait sortir la nuit, sans risquer sa
vie, et si j’étais toujours présent, je passais plus de temps chez moi,
à Annaghkeen, qu’à Claran où les Riagal s’étaient établis au début du
22ème siècle. J’ai toujours été un bon seigneur, et jusqu’alors, mes
règles avaient été suivies, sans écart. Les rares fois où un deuxième
fils était conçu, l’avortement était imposé, et l’unique fois où
l’enfant avait vu le jour, c’est son père lui-même qui se chargea de
lui donner la mort. Vers 2020, si je me souviens bien.
Les
choses n’auraient pas dû changer, tout simplement. Comme avec Cathal ou
Liadan, comme lorsque je m’étais réfugié à Wexford. J’aurais aimé que
les choses restent simples. Dites que je suis naïf, je vous répondrai
que je suis idéaliste. C’est la même chose, mais je préfère cette façon
de nommer le problème. Et cela ne change rien aux faits. J’avais
failli, ils m’avaient trompés, elle m’avait trompée. Douce et belle
Carys, si humaine, si fragile, si… idiote. Elle me faisait penser à
Eimhear, dans sa façon de protéger cet enfant qui la faisait souffrir,
au fond. Elle avait peur, de moi, de lui, de tout ce qui allait se
passer. Elle était terrorisée, sublime, haïssable. Je pourrais encore
l’affubler d’une multitude d’adjectifs, tous emplis de haine, de
dégoût, d’amour et de culpabilité. Mais ce serait inutile. Au fond,
elle a fait ce que toute mère digne de ce nom aurait fait, ce que
beaucoup avant elle n’avaient pas fait. Elle s’est donnée pour son fils.
Faolàn
n’aurait pas dû naître donc. Pourtant, croyez-moi, si j’avais à choisir
entre lui et son aîné… Pas que Ternoc soit un imbécile, il est même
plutôt intelligent. Docile et un excellent administrateur. Mais je ne
le trouve pas intéressant. Il n’est pas Faolàn. Et Faolàn n’est rien.
Seulement voilà, non seulement je ne tue pas un enfant (quoique
j’aurais pu faire une exception), mais en plus celui-ci est né un peu
avant que le soleil ne se couche, et je n’eus pas le temps d’être
conduit à Claran qu’on l’avait arraché à Carys et dissimulé dans
l’église, où Eolas s’était enfermé avec lui et Ternoc. Abandonnant sa
femme seule. Et le sang, tant de sang, trop de sang… Je crois que je ne
voulais pas vraiment le tuer. Bien sûr, je brûlais d’envie de lui faire
comprendre ses erreurs et de me venger de l’affront qui venait de
m’être fait, mais tuer n’est pas un jeu. Surtout quand la proie
ressemble tant à mon Eimhear.
J’étais furieux. Tant par leur
trahison que parce qu’il me l’avait laissée, elle, comme un appât
pendant qu’ils se terraient dans la maison de Dieu. Quel homme
abandonnerait ainsi sa femme ? La première nuit, je frappais comme un
damné aux portes de l’église de bois, déclenchant la terreur des
humains alentour. De toute façon, ils avaient toujours peur. La
deuxième nuit, je laissais ma rage exploser, encore, et l’envie me
prit, une seconde, de brûler cette satané église. Mais sans Riagal, qui
aurais-je eu à diriger ? Qui aurait plié sous mes lois et compris que
j’étais un bon seigneur ? Ma fureur ne servait à rien, et les miens
avaient besoin de leur maître, Corb et Ardghal ne s’étaient pas privés
pour me le faire remarquer, me connaissant suffisamment bien pour ne
pas trop me craindre. Ils avaient utilisé le nom du héro, et les jours
m’avaient calmé. Faolàn fut libéré de son église protectrice au bout
d’une semaine, et je les ignorais, tous.
Il fallut un mois avant
que je retourne voir Eolas, et j’espère l’avoir alors assez accusé et
menacé pour que sa frayeur ne l’abandonne jamais tout à fait. Pour les
quelques uns qui, je le sais bien, ne manqueront pas de le plaindre et
de me voir comme un monstre, songez à Carys, qu’il avait abandonné, se
protégeant lui-même, laissant sa femme pour morte alors que quelques
simples soins l’auraient sauvée. Finalement, les choses mises au clair,
l’enfant trop vivant pour que je me permette de le tuer, à la fois par
conviction, mais aussi parce que le peuple n’aurait pas aimé (et un
seigneur à besoin de l’affection de ses sujets, si minime qu’elle
soit), nous reprîmes une vie plus ou moins normal, si ce n’est que je
reportais sur Eolas ce qu’il reprochait à son fils, à savoir la mort de
sa mère. Comme si le garçon y pouvait grand-chose. Demandez à un enfant
de choisir entre lui et sa mère, et il passera en second. C’est ce que
j’aurais fait pour la mienne.
Il y avait donc deux garçons. Et à
moi de faire avec. A moi de surveiller ce dernier-né un peu délaissé,
ayant perdu la seule personne qui l’avait réellement désiré. Je ne
dirais pas qu’Eolas était un mauvais père, je n’avais de toute façon
aucun modèle auquel le comparer. Mais Ternoc, un peu plus grand, se
retrouvait seul au milieu d’une maison faites d’hommes idiots,
régulièrement privé de l’attention de son père. Alors imaginez Faolàn.
En plus de ma pitié, le garçon éveillait mon intérêt, et je me trouvais
bien obligé de veiller à ce qu’il ne devienne ni trop gênant, ni trop
mort. Je n’avais pas la possibilité de procréer, et pas la moindre
envie, et je me retrouvais plus ou moins avec un enfant sur les bras.
Je me méfiais, mais de loin, toujours, jusqu’à ce que, finalement, il
se montre un peu plus intéressant.
Il m’avait déjà vu plusieurs
fois, assez régulièrement, même, mais sans jamais y prêter attention,
trop occupé par ce qui se passait autour de lui, et trop humain pour
remarquer mon comportement. J’étais un étranger dans la foule, rien de
plus. Parfois chez lui, parfois à Headford, semblable à tous les autres
dans l’obscurité. Puis je décidais d’être plus présent, de commencer à
m’imposer auprès de lui, et les choses furent encore plus faciles que
ce que j’avais imaginé. La religion à beau n’être pour moi qu’un culte
sans grand intérêt, je dois avouer que la fascination des hommes pour
les figures divines me sert plus qu’autre chose. L’enfant me pris donc
pour un ange, comme son frère me l’appris quelques temps plus tard,
lassé des fanfaronnades du jeune loup. Et peu à peu, je me rapprochais,
lui imposant mes règles et mes idéaux, amusé de son attirance pour ce
qu’il aurait haï s’il avait pu comprendre ce que j’étais.
En
même temps, alors que je me faisais plus accessible, il tentait de
m’approcher, comme un animal vers lequel on tendrait la main, toujours
un peu plus proche. L’enfant me plaisait. Ternoc bénéficiait de
l’éducation qui ferait de lui un chef, un maire, et Faolàn devait
apprendre, aussi. J’avoue que l’envie de l’avoir, à moi, d’en faire
plus tard un compagnon comme Cathal, disciple et non amant (ne vous
faites pas d’idées fausses, j’aurais choisi Ternoc, sinon), m'a
quelques temps habité. Il aurait sans doute fait un bon vampire, s’il
était resté comme alors. Mais voyez vous, les choses changent. Oui,
encore. Et croyez bien que cela m’agace aussi.
Le premier changement fut
l’envoi de Faolàn à Londres, pour ses études. Si l’idée de l’éloigner
de nos terres était une bonne chose puisqu’il n’avait de toute façon
pas sa place ici, ça n’était pas celle qui m’avait motivée. Faolàn
était simplement invivable. Difficilement supportable pour moi, il
était une plaie pour Ternoc, et Eolas, comme toujours, s’en moquait. Il
avait bien fait quelques vaines remarques lorsque nous avions abordé le
sujet, lâchant que « Samuel n’a jamais été un enfant facile » ou encore
qu’il était jaloux de son frère, et avait fini par balayer les
problèmes d’un haussement d’épaules.
« Faites-en ce que vous voulez Tiarna. »
Carys
s’en était certainement retournée dans sa tombe, et après avoir un peu
plus accablé le patriarche, toujours trop faible quoi qu’il
entreprenne, j’avais confié à Corb la tâche de trouver une occupation
au gamin, qu’il cesse de se servir de son frère comme punching-ball et
de me voir comme l’autorité que son adolescence avait à renverser. Nous
plaçâmes Faolàn à Londres, dans un appartement que j’avais utilisé les
rares fois où je m’y étais rendu, et avions accordé à son aîné la
gérance de ses finances et le contrôle du reste. Je n’avais ni le
temps, ni l’envie de m’en occuper, Eolas s’en moquait très certainement
et il se serait contenté d’accorder à son fils tout ce qu’il désirait
sans même y prêter attention et Ternoc devait commencer à apprendre la
tâche que son père finirait par lui abandonner, tôt ou tard.
Nous
étions tranquilles, enfin. Les humains s’occupaient de ce qui les
concernait, gérant leur propre famille et me laissant la tâche qui
avait toujours été mienne : Seigneur et protecteur. Ternoc me faisait
régulièrement un rapport complet d’à peu près tout ce que faisait son
frère, Faolàn rentrait chaque été et, de temps à autre, trouvant pour
prétexte une chose à voir avec les vampires Londoniens (ce qui arrivait
parfois, de toute façon), j’allais moi-même rendre visite à
l’adolescent, l’interrogeant brièvement sur ses notes, sa santé, et lui
rappelant que si elle s’était fait plus lointaine, mon autorité n’avait
pas disparu. J’étais son seigneur, j’avais la responsabilité de sa vie
(dont je n’avais pas voulu, sois dit en passant), et il me devait à peu
près tout. Ce qu’il acceptait toujours, même grondant comme un chiot
mécontent, incapable d’une autre rébellion que ses puériles
provocations.
Le temps passa donc, et lorsqu’il avait quelque
chose à demander qui n’entrait pas dans le domaine des finances, Faolàn
se tournait vers moi, inlassablement. Il me demanda ainsi de changer de
filière, ce que je lui accordais sans une question. Les études de droit
n’avaient été qu’une idée d’Eolas qui songeait qu’ainsi son cadet
pourrait épauler Ternoc, ce qui aurait été avouons-le, un véritable
massacre. Totalement contraire à ce qui était prévu d’ailleurs, mais il
fallait bien qu’il étudie, alors j’avais laissé faire. Il s’était
présenté, plus vraiment adolescent et pas tout à fait homme, et je
l’avais autorisé à apprendre la médecine. Si ça l’amusait…
Ensuite,
il y eut cette histoire de moto. Il me réclama d’abord Aigéan, certain
que je lui dirais non et qu’ainsi, il aurait une bonne raison pour
demander son engin. Qu’il fasse, je la lui aurais accordée de toute
façon. Je n’étais pas stupide, un refus n’aurait fait que repousser
l’achat, il me l’aurait réclamé assez régulièrement et, surtout, je
n’avais pas la moindre raison de le priver de sa moto. Qu’il s’amuse,
ça ne durerait qu’un temps et une fois lassé, je lui ôterais son jouet
d’une manière un peu plus subtile.
C’est ainsi qu’il eut son
premier et dernier accident. Je ne vous dirai pas que je n’en suis pas
fier, les choses m’ont assez amusé, bien que je me sois peut être
montré un peu trop convaincant. Peu importe, Faolàn n’aura plus de moto.
Je
m’étais rendu à Londres pour une raison X ou Y, principalement pour
lui, sans doute, lassé des plaintes de son frère concernant la moto et
le comportement de Faolàn, le jugeant comme toujours irresponsable et
arrogant (ne me demandez pas ce qu’il y a d’arrogant, prononcez
simplement « Faolàn » en face de Ternoc et ce sera sa première idée).
J’avais donc décidé de lui faire passer ses envies de motard, évitant
ainsi un nouveau drame de motard et qu’il se donne la mort. Je l’avais
suivi un moment, avais même pris un peu d’avance sur lui et m’était
purement et simplement avancé sur la route. Il roulait trop vite. Ça
n’était pas grand-chose, et sans obstacle humain, ça n’était pas un
problème. Faolàn m’aperçut sans me reconnaître, paniqua et dérapa,
heurtant le trottoir d’en face.
Il sentait le sang, avait peur,
mal et était un peu sonné, mais il était vivant, suffisamment en tout
cas pour se plaindre de l’état de sa moto alors que je le relevais à
peine, et des frais que les réparations allaient engendrer.
« Ca tombe mal… »
C’était
le cas de le dire. Je ravalais tout jeu de mot stupide et qui l’aurait
de toute façon plus dérouté qu’autre chose, ne comprenant pas l’humour
dont pourrait faire preuve son seigneur, et tâchais de le maintenir à
peu près droit, le rassurant d’un sourire.
« Je peux arranger ça. »
« Oh… Merci. J’ai mal. »
Je
m’en doutais, mais ne parvenais pas à ressentir une once de compassion.
Peut être parce que sa douleur m’était utile et qu’elle lui éviterait
sans doute pire. Je nous fis reculer de quelques pas et raffermis mon
emprise sur Faolàn. Saisissant l’arme à ma ceinture, un révolver
quelconque, je tirais dans l’engin, prenant bien garde de ne pas tirer
directement dans le réservoir. L’arme toujours en main et sans attendre
qu’il comprenne, je lui cassais le nez, lui faisant oublier ses
premières douleurs. Pas un cri, malgré l’envie visible qui le
tenaillait.
« Mais… »
« Plus de frais, et le nez cassé est quelque chose qui plait aux filles, paraît-il. »
Je
souris et le portai vers mon hôtel tandis qu’il se plaignait de ses
douleurs, cherchait à comprendre les raisons de ma venue et,
finalement, s’inquiétait pour moi, encore.
« J’aurais pu vous tuer… »
Très
certainement, s’il avait su combattre un vampire, m’avait brûlé, avait
dispersé mes cendres… Il aurait sans doute pu finir par me tuer.
« Oui. »
« Plus de moto alors. »
Je
ne répondis pas, me contentant de sourire et de le tenir un peu plus
contre moi pour qu’il soit mieux. Je le déposais sur mon lit et
appelais l’hôpital le plus proche pour qu’ils se chargent de lui, avant
de rentrer en Irlande. Ce fut le dernier incident notable. Avant Seena…