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Home Sweet Home
27 août 2009

La Promesse - mai 2008

« T’avais promis… »

 

Erwan leva les yeux vers la jeune fille qui se tenait devant lui, les poings serrés, soutenant son regard de ses yeux sombres. Une moue à mi-chemin entre la colère et la peine tordait ses lèvres en une expression confuse, et le jeune homme baissa les yeux, incapable d’affronter ses sentiments.

 

« Gabrielle je… »

 

Sa voix s’effondra et le silence s’installa entre eux, comme s’ils étaient seuls au monde, et incapables de la moindre parole. Il vit la main de la jeune fille saisir sa chemise, serrant le tissu noir entre ses doigts tremblants, et n’osa pas la regarder de nouveau, sachant ce qu’il verrait. Il avait toujours haït les promesses, jugeant qu’aucune ne pouvait être respectée, du moins pas sans blesser qui que ce soit. C’était un fait. Pourtant, il avait souvent promis, et il ne pouvait le nier. La bague qui enserrait le majeur droit de Gabrielle en était un signe, cette bague qui captait son attention alors que cette main fragile froissait sa chemise. Il avait promis, mais surtout, il avait menti.

 

Erwan leva finalement les yeux pour voir perler des larmes au coin de ces yeux tristes. Passant un bras autour des frêles épaules de Gabrielle, il l’attira à lui et la serra dans ses bras, conscient qu’une autre promesse était brisée par sa faute. Malgré tout ce qui s’était passé, malgré sa culpabilité, il ne pouvait pas la laisser seule, pas maintenant. Elle avait trop besoin de lui, au moins autant qu’il voulait sentir sa présence a ses côtés. Il sentit les bras de la jeune fille enserrer sa taille et elle enfouit son visage dans son cou, sa joue humide contre sa peau, le faisant frissonner. Cette fois encore, il se devait de ne pas tenir sa parole, et il tenta de se convaincre qu’il n’avait aucune autre alternative, qu’il ne pouvait réellement pas la laisser.

 

Il avait toujours été comme ça avec elle. Protecteur. Du moins, c’est ainsi qu’il se voulait. Juste protecteur. Il l’avait été jusqu’à l’adolescence. Lorsque les lèvres de Gabrielle rencontrèrent les siennes, les frôlant en un chaste baiser, il se souvint de la première fois. De toutes leurs premières fois. La première fois qu’elle lui avait dit qu’elle l’aimait. Il n’avait pas su réagir, partagé entre la crainte et l’envie. La première fois qu’elle lui avait pris la main, qu’elle l’avait enlacé, embrassé. Ces premières fois heureuses, trop vite devenues douloureuses. Il l’avait désiré, de tout son corps d’adolescent inconscient. Se cacher, toujours, pour s’embrasser, se toucher, se sourire, même, c’était comme un jeu, qu’il avait parfois regretté d’avoir commencé.

 

« Gabrielle, tu devrais te recoucher… »

 

La jeune fille se crispa et lança un regard presque accusateur au lit, comme s’il était la cause de tous ses maux. Ces draps blancs défaits, froissés, maculés de larmes, cet oreiller tassé, difforme… Dieu qu’elle les haïssait ! Comme elle haïssait ces murs, ces rideaux, et cette chambre toute entière. Comme elle haïssait son corps mutilé. Elle obéit, pourtant, se glissant dans les draps rêches et froids, avant de se recroqueviller et de fermer les yeux, empêchant les larmes de lui échapper encore, ignorant le grincement de la chaise sur le sol tandis qu’Erwan s’asseyait à son chevet. Il passa la main sur sa joue, faisant glisser ses doigts dans ses cheveux bruns et soupira.

 

Ils avaient fini par céder à leurs pulsions, ce qu’Erwan s’était reproché, l’espace d’un instant, songeant que ses deux ans de plus qu’elle auraient dû lui conférer un plus grand sens des responsabilités, puis il s’était laissé envahir par le désir envers ce corps familier, envers cette jeune fille aux airs innocents. Ils étaient restés vigilants, plusieurs mois, se souciant trop du qu’en-dira-t-on. Mais peu à peu, ils avaient gagné en confiance, en assurance, et les remparts qui protégeaient leurs vies jusqu’alors s’étaient effondrés, brusquement, les obligeant à faire face à la réalité. Une chute rude et non dénuée de conséquences. Gabrielle avait subi les brimades paternelles, sans pour autant fléchir, refusant de dénoncer celui qui assistait impuissant aux scènes quotidiennes. Il avait pourtant promis. Mais aucune promesse n’est vraiment fiable. Comment elle l’avait perdu, il n’aurait su le dire. Mais elle n’avait pas mené la grossesse à terme, et il éprouvait une sombre joie quant à l’idée de ne pas voir cet enfant naître. Certes il avait promit qu’il les protégerait, elle et le bébé. Mais il ne pouvait pas se permettre de lui faire courir un tel risque. Elle était trop importante, et maintenant, il était incapable de se résoudre à la laisser, juste pour sauver ce qu’il restait de sa promesse. Elle était tout. Son amie, sa confidente, son soleil, son amante. Elle était ce qu’il avait de plus cher. Elle était sa petite sœur, aussi.

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